Alors, tu me demandes ce qu'on *fait* à Rocinha ? Imagine d'abord l'arrivée. Tu es sur une moto-taxi, le vent te fouette le visage, et le vrombissement du moteur résonne sous toi. Autour, tout bouge. Ce n'est pas une rue, c'est une artère vivante qui pulse. Tu sens l'air chaud et humide, un mélange d'épices, de café, et l'odeur douceâtre des fruits mûrs. Les couleurs éclatent partout : des graffitis sur les murs, le linge qui sèche sur les balcons, les devantures des petites échoppes. Tu entends un brouhaha constant : des conversations en portugais, des éclats de rire d'enfants, le son d'une musique lointaine et le klaxon incessant des motos qui se faufilent. Tu sens l'inclinaison de la moto tandis qu'elle monte, descend, tourne dans des ruelles si étroites que tu pourrais presque toucher les murs des deux côtés. C'est une immersion immédiate, un choc de sensations.
Pour y aller, écoute bien : ne te promène pas seul. C'est un quartier immense et complexe. Tu dois y aller avec un guide local, quelqu'un qui connaît les lieux, les gens, et qui est respecté. C'est la seule façon d'y être en sécurité et de vraiment comprendre. Ces tours sont généralement organisés, et c'est souvent eux qui gèrent les moto-taxis pour la montée. Une fois en haut, tu descends et tu marches. Le moto-taxi est une expérience en soi, mais sache que c'est le transport principal pour les habitants, donc sois juste conscient de l'agitation. C'est efficace, mais ça décoiffe ! Le respect des locaux est la clé, toujours.
Une fois à pied, tes pieds sentent le sol irrégulier, parfois pavé, parfois juste de la terre battue. Tu marches dans ces ruelles qui se transforment en escaliers, puis en passages couverts. L'air vibre d'une énergie palpable. Tu entends le cliquetis des ustensiles dans les cuisines ouvertes, les voix des vendeurs qui proposent leurs produits, le bourdonnement des conversations. Tu sens l'odeur du pain frais, celle du linge propre séchant au soleil, et parfois l'arôme puissant du café brésilien qui s'échappe d'une porte. Tu peux sentir la chaleur des murs en béton qui retiennent le soleil, et l'ombre fraîche inattendue d'un passage couvert. Chaque recoin est une scène de vie : des enfants qui jouent au football avec un ballon fait de chiffons, des femmes qui papotent sur le pas de leur porte, des hommes qui réparent quelque chose. C'est un ballet incessant, une symphonie de la vie quotidienne.
Quand tu es là, la discrétion est d'or. Ne prends pas de photos des gens sans leur permission – en fait, c'est mieux de ne pas en prendre du tout, sauf si ton guide t'indique que c'est ok pour un paysage. C'est leur maison, pas un zoo. Si tu as l'occasion d'interagir, un sourire et quelques mots en portugais ("Obrigado", "Bom dia") ouvrent des portes. Si tu vois une petite boutique d'artisanat ou un stand de nourriture, achète quelque chose. C'est une façon directe de soutenir l'économie locale et de montrer ton respect. N'oublie pas que ton guide est ton meilleur pont avec la communauté.
Puis, tu arrives à un point de vue. Et là, c'est le souffle coupé. Tu te sens suspendu au-dessus de tout. Tes yeux balayent des milliers de toits en tôle, en brique, qui s'étendent à perte de vue, comme une mer agitée de couleurs. Au loin, tu aperçois l'océan, le Christ Rédempteur, les plages de la zone sud... C'est un contraste saisissant. Tu ressens l'immensité de Rocinha, sa densité, sa vie grouillante. Le vent peut te caresser le visage à cette hauteur, te rappelant la brise marine lointaine. Tu te sens à la fois tout petit face à cette immensité humaine, et privilégié d'avoir cette perspective unique sur Rio, une vision que peu de touristes ont.
Quand tu repars, que ce soit en moto-taxi ou en van, le bruit de la ville "normale" te semble différent. L'expérience de Rocinha te marque. Ce n'est pas juste une visite, c'est une immersion. Tu as vu une autre facette de Rio, une facette pleine de résilience, d'ingéniosité et d'une incroyable énergie humaine. Tu as marché dans la vie de milliers de personnes, tu as senti leur quotidien. C'est une leçon d'humilité et de perspective. Tu repars avec le sentiment d'avoir touché du doigt une réalité vibrante, loin des cartes postales habituelles, et ça, ça ne s'oublie pas.
Léa du chemin