Alors, tu veux savoir ce qu'on "fait" à Aokigahara, n'est-ce pas ? Ce n'est pas une question de "faire", mais plutôt de "ressentir". Imagine d'abord le trajet, l'air frais qui s'engouffre si tu es en voiture ou le souffle du vent si tu es en bus, et puis, tu arrives. Dès les premiers pas hors du parking, l'air change. Il n'est pas seulement frais, il est *dense*, chargé d'une humidité presque palpable, comme si la forêt respirait autour de toi. Tes narines captent immédiatement une odeur profonde de terre mouillée, de mousse ancienne et de quelque chose d'indescriptiblement végétal, presque minéral. Le son ? C'est le silence. Un silence *habité*. Tu entends le froissement lointain des feuilles sous une brise à peine perceptible, mais surtout, tu entends le battement de ton propre cœur, tes pas qui s'enfoncent légèrement dans le sol tendre.
En t'enfonçant un peu plus, le chemin sous tes pieds devient une tapisserie vivante. Tu sens l'épaisseur du tapis de feuilles mortes et de mousse qui amortit chacun de tes pas, un peu comme marcher sur un vieux tapis moelleux. Par endroits, le sol est inégal, les racines des arbres centenaires s'étirent comme des serpents endormis, te forçant à lever les pieds. La température baisse de quelques degrés, l'humidité s'intensifie, et tu ressens l'air sur ta peau comme une caresse fraîche et constante. L'espace autour de toi se resserre, les troncs s'élèvent, droits et sombres, formant des murs naturels qui filtrent la lumière du soleil en de minces faisceaux, créant des puits de clarté ici et là. C'est une immersion totale, où chaque sens est en éveil pour compenser la pénombre.
Plus loin, tu touches du bout des doigts les roches volcaniques qui affleurent par endroits, rugueuses et froides, vestiges de l'éruption du Mont Fuji qui a créé ce paysage. Les troncs des arbres, souvent tordus et noueux, sont recouverts d'une mousse épaisse et douce au toucher, comme un velours naturel. Tu peux sentir la vie s'accrocher, s'épanouir même dans les fissures les plus infimes. Parfois, tu entends un léger bruissement, peut-être un petit animal, un oiseau, mais la forêt a cette capacité unique d'absorber le son, de le rendre lointain, presque irréel. C'est une sensation d'être enveloppé, protégé par cette canopée dense, mais aussi d'être un minuscule point dans un écosystème immense et ancien.
Pour y aller, le plus simple est de prendre un bus depuis la gare de Kawaguchiko. Demande le bus qui va vers les grottes de glace et de vent (Ice Cave et Wind Cave), ce sont les points d'accès principaux. Prépare-toi à marcher : de bonnes chaussures de marche sont indispensables, même pour les chemins balisés, car le sol est inégal et humide. Prévois aussi des couches de vêtements, car la température peut varier et l'humidité est constante. Le meilleur moment, c'est le printemps ou l'automne, quand l'air est frais mais pas glacial et que la lumière est plus douce. Et surtout, reste sur les chemins balisés. C'est crucial pour ta sécurité et pour respecter la forêt. Dis toujours à quelqu'un où tu vas et quand tu prévois de revenir.
Ce que tu "fais" là-bas, c'est explorer. Il y a des sentiers balisés qui mènent aux grottes de glace (Narusawa Hyoketsu) et de vent (Fugaku Fuketsu). La grotte de glace est un choc thermique : tu sens l'air devenir glacial, tes doigts peuvent même picoter, et l'odeur est celle d'une humidité gelée, presque métallique. Dans la grotte de vent, tu sens le courant d'air frais qui s'échappe de la terre, comme un souffle géant. Mais le vrai "faire", c'est de marcher sur les sentiers de la forêt, comme le sentier Tokai Nature Trail. Tu ne fais pas que marcher, tu observes. Tu te penches pour sentir la mousse, tu écoutes le silence, tu respires l'air unique. Prends ton temps. Il y a un centre d'information près des grottes qui peut te donner des cartes et des conseils.
Quand tu quittes la forêt, il y a un contraste saisissant. La lumière semble soudain plus vive, l'air plus léger, les sons du monde extérieur plus forts. Tes sens, aiguisés par l'expérience, mettent un instant à se réadapter. L'odeur de la forêt reste imprégnée sur tes vêtements, un souvenir olfactif persistant. Tu emportes avec toi cette sensation de petitesse face à la nature, cette immersion profonde dans un monde où le temps semble s'être arrêté. Ce n'est pas une visite, c'est une expérience sensorielle qui te marque bien après l'avoir quittée.
Olya from the backstreets