Alors, tu veux savoir ce que c'est, la Vucciria, de l'intérieur ? Imagine un instant. Tu ne vois rien, mais tu sens déjà l'air changer. C'est comme si une vague de chaleur, d'odeurs et de sons te frappait en plein visage avant même d'y être. Tu marches, et le sol sous tes pieds vibre d'une énergie palpable, comme si la ville elle-même respirait plus fort ici. C'est un chaos organisé, un ballet incessant de voix, de rires, de brouhaha qui monte des pavés anciens.
Tu entends d'abord les voix, une cacophonie joyeuse. Des cris gutturaux de marchands qui vantent leurs marchandises, des rires d'enfants qui courent, le cliquetis des ustensiles de cuisine, le bourdonnement constant des conversations en dialecte sicilien. C'est une symphonie urbaine, brute et authentique, qui te saisit et te tire au cœur du marché. Chaque son est une pulsation de vie, te rappelant que tu es au centre de quelque chose d'ancien et de profondément humain.
Puis les odeurs t'enveloppent, couche après couche. D'abord, le parfum salé et iodé de la mer, mélangé à l'odeur terreuse des légumes frais. Ensuite, vient le fumet épicé des plats frits, du panelle croustillant, des arancine dorées, te tirant vers les étals de street food. Et par-dessus tout, cette note douce et acidulée des agrumes, des citrons gorgés de soleil, qui rafraîchit l'air et te donne presque l'impression de pouvoir mordre dans l'atmosphère.
Tu sens la foule autour de toi. Le coude à coude est inévitable, tu te laisses porter par le flux et le reflux des corps, une danse improvisée et instinctive. Tes mains peuvent effleurer les paniers d'osier rugueux, la peau lisse et fraîche d'une aubergine, ou la texture écailleuse et froide du poisson exposé sur la glace. Les pavés sous tes pieds sont inégaux, certains lisses d'avoir été foulés par des générations, d'autres plus rugueux, racontant leur propre histoire.
Pour t'y retrouver, le mieux est de te laisser porter. Ne cherche pas une carte, ça ne sert à rien. Vas-y en fin de matinée, vers 10h-11h, c'est là que l'activité bat son plein sans être complètement bondé. Garde tes affaires près de toi, comme partout où il y a du monde. Le marché est un labyrinthe de ruelles étroites, mais tu ne peux pas vraiment te perdre, tu finiras toujours par retrouver une artère principale.
Côté bouffe, il faut absolument goûter le "pane con la milza" (pain avec de la rate), c'est une spécialité de Palerme, ou les "stigghiola", des brochettes d'abats grillées. Ne sois pas timide, pointe du doigt ce qui te tente. Pour boire, cherche les petits bars qui servent des bières fraîches ou un verre de vin local. Tu manges debout, ou assis sur un muret si tu trouves une place. C'est l'expérience qui compte.
Quand la nuit tombe, la Vucciria prend une autre dimension. Les étals de nourriture laissent place à des bars éphémères. La musique s'élève, parfois un DJ, parfois des musiciens de rue. L'odeur de la friture se mêle à celle de l'alcool et de la cigarette. Les voix sont moins celles des marchands et plus celles des fêtards. C'est une transformation totale, le jour marché populaire, la nuit lieu de rassemblement festif.
En repartant, tu emportes avec toi cette énergie vibrante. C'est une sensation de plénitude, d'avoir été immergé dans le cœur battant de Palerme. Tu sens encore le sel sur tes lèvres, le parfum des épices sur tes vêtements, et le rythme du marché dans tes pas. C'est une expérience qui ne se raconte pas, elle se vit.
Olya from the backstreets