Ah, le Cours Saleya. Tout le monde connaît ses fleurs, ses couleurs vives sous le soleil niçois. Mais si tu veux vraiment *sentir* l'âme de ce marché, il faut y aller quand personne ne pense à y aller. Imagine le silence juste avant l'aube, quand les premiers marchands arrivent. Tu n'entends pas encore les cris des vendeurs, ni le brouhaha des touristes. Non, ce que tu perçois, c'est le son feutré des seaux métalliques lourds, remplis d'eau et de tiges, que l'on traîne sur les pavés encore humides de la rosée matinale ou du nettoyage de la veille. C'est un grincement doux, suivi d'un cliquetis discret, presque musical, comme des cymbales lointaines. Et avec ça, une odeur très particulière. Pas le parfum enivrant des roses ou du jasmin, mais une senteur plus âpre, presque minérale, celle de l'eau fraîche et de la sève verte qui s'échappe des premières fleurs tout juste déchargées, avant même qu'elles n'aient eu le temps de s'épanouir. C'est l'haleine du marché qui se réveille, un secret murmuré par la pierre et le métal.
Tu marches sur ces mêmes pavés, encore frais sous tes pieds, et tu sens cette humidité qui s'évapore doucement. L'air est vif, presque mordant, mais il porte déjà la promesse de la chaleur du jour. Les premières lumières blafardes des lampadaires éclairent les silhouettes des vendeurs qui s'activent dans l'ombre, disposant leurs trésors. Tu tends la main, et tu peux presque sentir la texture rugueuse d'une cagette en bois, vide pour l'instant, posée là, attendant d'être remplie. C'est un moment de calme profond, où tu es témoin de la transformation, où le marché n'est pas encore un spectacle, mais une préparation intime, une danse silencieuse entre l'homme et la nature.
Si tu veux vivre ça, le meilleur moment, c'est entre 6h30 et 7h du matin, surtout en semaine. Le marché aux fleurs est ouvert tous les jours sauf le lundi (où c'est le marché d'antiquités). Pour les fleurs, c'est le moment où les plus beaux bouquets sont mis en place, avant qu'ils ne soient trop manipulés. Tu peux discuter tranquillement avec les fleuristes, ils sont moins pressés. N'hésite pas à poser des questions sur les fleurs de saison, ils adorent partager leur passion.
Puis, au fur et à mesure que le soleil monte et que les premières voitures commencent à rouler au loin, le marché change de visage. Les odeurs se mélangent, se densifient. Le parfum délicat des fleurs se mêle à celui plus robuste des fruits et légumes qui arrivent, puis à l'huile d'olive et aux épices. Tu entends le bourdonnement grandissant des conversations, les exclamations des touristes émerveillés, le tintement des pièces de monnaie. L'énergie monte, et tu te retrouves au cœur d'une symphonie de couleurs et de sons. Tes yeux sont submergés par le rouge des tomates, le jaune des citrons, le violet des lavandes.
Et si la faim se fait sentir, n'oublie pas de goûter les spécialités locales. La socca, cette galette de pois chiche cuite au feu de bois, est un incontournable. Tu la mangeras brûlante, directement dans un cornet en papier, le sel et le poivre picotant ta langue. Cherche le stand qui a la plus longue file d'attente, c'est souvent le meilleur signe. Ou une part de pissaladière, cette tarte à l'oignon et aux anchois, un vrai délice niçois. C'est simple, c'est authentique, et ça te donne l'énergie pour flâner encore et encore.
Alors, la prochaine fois que tu es à Nice, lève-toi tôt. Le Cours Saleya t'attend, mais pas comme tu l'imagines.
Olya from the backstreets