Imagine-toi au cœur de Lisbonne, un matin où l'air est encore frais et où la ville commence à peine à s'éveiller. Tu entends d'abord un grincement lointain, puis le tintement distinct d'une clochette, de plus en plus fort. C'est lui. Le Tram 28. Tu sens la vibration du sol sous tes pieds avant même de le voir. Quand il arrive, tu perçois sa masse imposante, son odeur de bois ancien et de métal chauffé par le soleil, une odeur douce et familière qui te transporte déjà. La foule autour de toi s'agite, un murmure d'excitation monte. Tu te frayes un chemin, tu sens le contact des coudes, la chaleur des corps. Puis, c'est ton tour. Tu montes les marches, tu sens le bois usé sous tes pieds. À l'intérieur, l'air est dense, imprégné de l'histoire du tramway. Tu trouves une place, tu te laisses tomber sur le banc dur mais accueillant.
Le conducteur fait claquer une manette, et tu sens une secousse douce. Le tram s'ébranle, lentement au début, puis il prend son rythme. Tu entends le cliquetis régulier des roues sur les rails, un son hypnotisant. La lumière change à travers les vitres, projetant des ombres mouvantes sur le plafond en bois. Le wagon tangue légèrement, tu sens ton corps se balancer avec lui, une danse douce et rythmée. À chaque virage, tu perçois le grincement aigu des freins, une sensation de glissement avant que le tram ne se redresse. L'air qui entre par les fenêtres ouvertes te caresse le visage, apportant des effluves de café, de pâtisseries tout juste sorties du four et parfois, l'odeur plus âpre des gaz d'échappement mélangée à celle de la pierre chaude des bâtiments.
Le tram monte, tu sens l'effort qu'il déploie. Le moteur ronronne plus fort, et tu es poussé doucement vers l'arrière de ton siège. Puis il redescend, et tu as cette sensation légère d'apesanteur, comme dans une balançoire. Tu traverses des rues si étroites que tu as l'impression de pouvoir toucher les murs des maisons en tendant le bras. Les conversations des passagers se mêlent aux bruits de la ville – des cris d'enfants, des aboiements de chiens, la musique qui s'échappe d'une fenêtre. Tu perçois le changement d'ambiance à chaque quartier traversé : un silence plus dense dans les zones résidentielles, un brouhaha joyeux quand tu passes devant un marché. Le tram s'arrête, redémarre, et à chaque fois, c'est une nouvelle micro-aventure sensorielle.
Pour vraiment profiter de cette expérience, un petit conseil d'ami : vise les premières heures du matin (avant 9h) ou la fin de journée (après 18h). Tu éviteras les files d'attente interminables. N'achète pas ton ticket directement dans le tram, c'est plus cher. Procure-toi une carte Viva Viagem (la carte de transport locale) dans n'importe quelle station de métro, et charge-la avec de l'argent ou un pass journalier. C'est le moyen le plus simple et le plus économique. Et comme dans toutes les grandes villes, garde un œil sur tes affaires, surtout quand le tram est bondé.
Si la file est vraiment trop longue, sache que tu peux toujours marcher une ou deux stations et le prendre un peu plus loin sur le parcours. Ou alors, prends le bus 737 qui suit une partie similaire du trajet, ou même d'autres trams moins touristiques comme le 24E ou le 12E, qui te donneront une sensation similaire sans la foule. L'idée, c'est de vivre l'ambiance des vieux tramways. Tu peux faire la boucle complète, ça dure environ une heure, ou descendre à une station qui t'intrigue pour explorer à pied et reprendre un autre tram plus tard. L'essentiel est de te laisser porter par le rythme de la ville.
Quand tu descends, après cette heure de balade, tu sens encore le léger tangage du tram sous tes pieds. Le cliquetis des roues résonne dans ta tête, et les odeurs de Lisbonne, celles du bois ancien, du café, et des pavés chauffés par le soleil, restent imprégnées dans ta mémoire. Tu as l'impression d'avoir traversé le temps, d'avoir touché du doigt l'âme de cette ville si particulière. C'est une expérience qui ne se raconte pas seulement, elle se ressent, du premier grincement au dernier balancement.
Léa de la route